jeudi 2 mars 2023

Miss Austen- Gill Hornby

"Une fois à la maison, Jane alla aussitôt s'installer à sa table d'écriture, avec un air de profonde satisfaction, elle pouvait retourner dans son monde imaginaire". 

"L'humeur de Jane s'améliorait dès qu'elle prenait sa plume. Après une heure ou deux à écrire, seule avec ses pensées, elle se trouvait comme purifiée et redevenait plus sereine. Et le soir, dès qu'elles se trouvaient seules dans leur chambre, elle semblait presque heureuse". 

Auteur: Gill Hornby

Genre: Roman

Edition: Haute Ville 

Date de publication: 2020

Nombre de pages: 377

Synopsis: Ce roman raconte une histoire particulièrement originale et attendue de tous les fans de Jane Austen. Ce dernier bien que fictif se base sur un fait réel particulièrement intriguant c'est le fait que Cassandra Austen, la soeur de Jane Austen ayant trouvé des lettres écrites par sa soeur avant sa mort renfermant des éléments privés et touchant à l'intimité de cette dernière a fait le choix de les bruler afin qu'elles ne tombent pas entre les mains de n'importe qui et qu'elles ne puissent pas porter préjudice à l'image renvoyée par sa soeur, plus connue comme un génie de l'écriture. Ce roman est mené par le personnage de Cassandra Austen qui raconte à nous lecteurs sa vie et plus précisément sa relation indéfectible qu'elle nouait avec sa soeur Jane. 

Mon avis:

Ce roman m'a particulièrement touché et émue. Je suis une grande fan de Jane Austen et même si cette histoire est montée de toute pièce et qu'elle est fictive, au fond, l'essence de la famille Austen et plus précisément des soeurs Austen est bien représentée et mise en lumière. 

En effet, j'ai été émue de découvrir pour la première fois Jane Austen comme un personnage de roman et non pas comme auteur. Ce roman l'a rendu en quelque sorte plus humaine et plus proche de nous lecteur.  À travers ses correspondances avec Eliza et les récits de sa soeur Cassandra, j'ai pu me faire une petite idée de la personne qu'était Jane Austen à son époque et c'est tout à fait ce à quoi je m'imaginais. Une femme dédiée entièrement et profondément à son talent, à son art.  Une femme qui a tout fait pour être reconnue de son vivant mais qui n'a malheureusement pas obtenu la reconnaissance qu'elle méritait.  C'était une femme qui préférait les mots à tout le reste quitte à dénigrer les autres pans de sa vie. Elle a choisit de vivre de ses mots et de mourir entre ses mots, des mots non écrits laissant la place à un dernier roman inachevé, "Sanditon". 

Ce qui m'a le plus marqué lors de ma lecture de ce roman c'est l'honneur qui est rendu à Cassandra Austen. Cette fiction lui rend hommage en quelque sorte en faisant son éloge. On comprend à travers ce roman que c'est aussi grâce à Cassandra que Jane Austen a pu être Jane Austen, grande autrice du 19 ème siècle. Cette dernière était sa confidente, son alliée et sa conseillère. C'est grâce au fait qu'elle s'occupait de faire toutes les taches ménagères, qu'elle s'occupait de leur mère malade et qu'elle agissait comme une bonne maitresse de maison qu'elle a pu laisser la possibilité et la liberté à sa soeur d'exploiter son don incomparable pour l'écriture. 

J'ai beaucoup apprécié le fait que l'auteur nous montre la relation privilégié que Jane entretenait avec son père bien aimé. Ce père à qui elle ressemblait, qu'elle admirait et qui l'admirait et croyait profondément en son talent. J'ai retrouvé dans ce roman à travers les lettres écrites par Jane Austen ce cynisme qui lui est propre, son sens de l'humour ainsi que son sens de l'observation et de l'analyse. 

Je l'avoue, ce roman même s'il a mis du temps à démarrer s'est bien rattrapé par la suite et m'a totalement convaincue vers la fin. Même s'il est monté de toutes pièces et qu'il ne fait que relater un fait qui a existé, ce n'est qu'à la fin du roman en lisant la note de l'autrice que j'ai pu comprendre que ce roman était fictif, que ce soit l'histoire ou les lettres qu'aurait écrites Jane Austen, ce qui fait que l'autrice a vraiment fait un bon travail d'écriture, cette dernière nous donne l'illusion à la fin du roman de connaitre encore mieux Jane Austen alors que ce n'est que de la fiction. Mais au final c'est à travers la fiction et des personnages fictifs que se cachent le plus souvent la vérité sur les auteurs. 

Je conseille ce roman à tous les fans de Jane Austen et à ceux qui désirent vivre cette expérience fabuleuse. Celle d'apprendre à mieux connaitre Jane Austen et de découvrir se qui se cachait un peu plus derrière l'image de grande autrice qu'elle renvoyait.  

FUN FACTS: 

  • «C'est une satisfaction pour moi de penser [qu'elle est] de mentir dans un bâtiment qu'elle admirait tant… J'ai perdu un trésor, une telle sœur, une amie qui n'aurait jamais pu être surpassée. Elle était le soleil de ma la vie, la dorure de tous les plaisirs, la sucette de toutes les peines, je n'avais pas une pensée cachée d'elle, et c'est comme si j'avais perdu une partie de moi " Cassandra a écrit plus tard. 
  • Cassandra a détruit plusieurs des lettres de sa sœur mais cent soixante ont survécu.  
  • La plupart de ce que nous savons de Jane Austen aujourd'hui nous le devons à sa sœur Cassandra. En effet, c’est elle qui a comblé les lacunes de la vie de sa sœur laissant un compte rendu oral pour compléter l’écrit en dévoilant un peu plus le mystère que représentait sa soeur au sein de la société. 

jeudi 23 février 2023

Pourquoi j'écris- George Orwell

 "Je le répète, il n'y a pas de livre dénué de préjugé politique. L'idée selon laquelle l'art ne devrait rien avoir affaire avec la politique constitue elle-même une opinion politique". 



Auteur: George Orwell

Genre: Anthologie

Edition: Folio

Date de publication: 2022

Nombre de pages: 144

Synopsis:Ce livre est découpé en six parties intitulées, "Retour sur la guerre d'Espagne", "La Littérature empêchée", "Politique et langage", "Pourquoi j'écris", "Comment meurent les pauvres", "Les écrivains et le Léviathan". Dans cette anthologie, Orwell nous expose sa vision du métier d'écrivain et plus précisément les quatre raisons d'écrire. Il nous montre dans ce livre que la littérature n'a pas pour seul objet l'esthétisme et qu'elle peut combiner à la fois l'esthétisme et l'engagement ou le politique. Pour Orwell, écrire c'est une passion mais c'est aussi un devoir. L'écrivain a un devoir envers ces lecteurs, celui de retranscrire la réalité de son siècle pour éclairer les hommes sur leur condition et sur les injustices auxquelles il doit faire face tous les jours mais qu'il finit par oublier et par n'y accorder aucune importance. 

Mon avis:

Je me suis toujours intéressée à la raison pour laquelle les écrivains écrivent. Cette question m'a toujours fait réfléchir et en lisant le titre de ce livre, je me suis dit que d'une certaine manière j'allais trouver une réponse ou du moins m'éclairer un peu sur ce sujet. 

George Orwell est un écrivain qui est souvent qualifié "d'engagé". Mais que veut vraiment dire "engagé?". Le plus souvent on utilise le terme "engagé" pour désigner une personne qui défend des idées, des opinions et qui a le courage de donner son avis sur des sujets d'actualités et le plus souvent sur des sujets politiques. Son but étant de transmettre ses convictions à d'autres personnes afin de créer un mouvement de révolte ou tout simplement de faire naitre en chacun de nous des questionnements sur notre condition. 

Je trouve après avoir lu ce livre que bien que l'on qualifie souvent Orwell d'écrivain "engagé", il n'est pas limité à cette description. Pour moi, Orwell a été contraint d'être un écrivain "engagé". Il n'a pas eu le choix. Il a vécu tant de malheurs et vu tant d'atrocités humaines avec la guerre d'Espagne, la seconde guerre mondiale ou encore la pauvreté. Il a vécu tant de choses et ressenti tant d'émotions contradictoires qu'il était de son devoir d'en parler et d'utiliser son talent pour l'écriture, son talent de conteur d'histoires pour pousser au changement ou du moins espérer un changement de mentalités et de comportements. 

Dans cette anthologie, Orwell expose les quatre raisons d'écrire selon lui. Tout d'abord, un écrivain peut écrire par pur égoïsme dans le sens où il veut paraitre plus intelligent, attirer l'attention ou même immortaliser ses oeuvres dans le temps et donc ne pas être oublier après sa mort. Ensuite, l'écrivain peut écrire pour un but esthétique, pour créer de la beauté. Cette beauté peut être reflétée à travers la perception du monde décrit par l'auteur, par l'arrangement qu'il fait des mots ou bien même par le rythme qu'il crée dans son oeuvre. De plus, l'écrivain peut aussi écrire pour raconter l'histoire. Ainsi, il écrit pour rendre compte des choses telles quelles sont. Enfin, la dernière raison pour laquelle un écrivain pourrait écrire selon Orwell est s'il poursuit un objectif politique et donc s'il veut pousser le monde dans une certaine direction et orienter les pensées des lecteurs vers ses propres convictions et opinions. 

Je trouve que cette anthologie est très enrichissante. Elle permet aux lecteurs d'ouvrir les yeux sur la personne de l'écrivain et non pas sur son talent ou l'histoire qu'il raconte. En quelque sorte, Orwell a travers ces six textes met sur le devant de la scène l'écrivain et lui rend hommage d'une certaine manière. Il montre que l'écrivain avant d'être un écrivain est un homme comme chacun de nous, un homme qui a une conscience et des pensées, qui est capable d'exprimer ses pensées sur papiers et qui a le pouvoir de convaincre le lecteur sans l'y contraindre d'une manière esthétique et belle.  

FUN FACTS:

  • Orwell s'est volontairement battu lors de la guerre civile en Espagne. On lui a tiré dessus, dans le cou, il a même décrit le moment où on lui a tiré dessus comme "un choc terrible, pas de douleur, seulement un choc violent comme lorsque l'on se fait électrocuter, avec un sentiment de vulnérabilité et d'être réduit à néant". 

  • L'expression "guerre froide" découlerait d'un essai de George Orwell intitulé "toi et la bombe atomique". Un essai qu'il a rédigé deux mois après les destructions nausées par les deux bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki. Dans cet essai il a décrit "un État qui était indestructible et dans un état permanent de "guerre froide" avec ses voisins". 

mardi 17 janvier 2023

Atala- Chateaubriand

"Notre coeur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs". 

Auteur: Chateaubriand

Genre: Roman

Edition: Rencontre Lausanne

Date de parution: 1801

Nombre de pages: 127 

Synopsis: Ce roman met en scène la passion et l'amour irréfragable de deux indiens, Chactas et Atala. Tout commence lorsque Chactas, fils adoptif d'un chrétien surnommé Lopez est fait prisonnier à l'âge de 20 ans par une tribu ennemie. Ce dernier est condamné a être brulé. Cependant, la fille du chef de cette tribu ennemi Atala s'éprend de cet indien et décide de tout faire pour le sauver. Dans ce court roman on se pose la question de savoir si l'amour triomphe toujours, s'il n'y a rien de plus fort que l'amour pur. Chateaubriand en mettant en scène ce récit incroyablement bien écrit montre la triste réalité, que la mort est plus forte que l'amour même si cet amour et puissant et indestructible. 

Mon avis: 

Ce roman est l'incarnation de la pureté. Pour moi, les mots de Chateaubriand ont le don de rendre la moindre petite émotion vivante et lumineuse. Telle une véritable étincelle, chaque émotion décrite dans ce roman survole les pages et se pose sur nous, lecteurs, imprégnés de cette belle histoire d'amour si tragique. 

Ce qui m'a le plus marqué dans ce roman c'est le courage d'Atala, elle est prête à tout par amour, même à mourir. Elle préfère abandonner sa tribu, ses repères, sa maison, son avenir pour un jeune homme qui ne connait pas encore la vie, qui n'a pas trouvé sa place dans ce monde et qui la conduira éperdument à sa perte. 

Je trouve que Chateaubriand a réussi à embarquer le lecteur dans un voyage, un voyage où le lieu de départ était le courage d'Atala et sa soif de vivre pour sauver son amant et le lieu d'arrivée qui marque aussi la fin du voyage n'est autre que le tombeau d'Atala, sa mort subite, inévitable, héroïque. 

Je conseille ce roman à toutes les personnes qui souhaitent vivre l'espace d'un instant un moment hors du temps, un moment unique qui vous marque à vie de par la naïveté si attachante des deux personnages, Chactas et Atala. Des protagonistes prêts à tout pour vivre leur amour même à mourir. 

FUN FACTS: 

  • Atala est le roman qui a rendu célèbre Chateaubriand. 


dimanche 15 janvier 2023

Par les yeux de Marcel Proust- Textes choisis par anka muhlstein

"Ce livre essentiel, le seul livre vrai, un grand écrivain n'a pas dans le sens courant à l'inventer, puisqu'il existe déjà en chacun de nous, mais à le traduire. Le devoir et la tache d'un écrivain sont ceux d'un traducteur". 

Auteur: Marcel Proust 

Genre: Mélanges

Edition: Denoël

Date de publication: 1971

Nombre de pages: 169

Synopsis: Ce livre reconstitue la pensée du grand auteur Marcel Proust en la classant selon cinq thèmes : l'art, le coeur et l'esprit, le monde, le temps et la mort et enfin la morale. C'est un moyen de permettre à deux catégories de lecteurs de profiter de leur lecture, les lecteurs qui ont déjà lu les livres de Marcel Proust et qui lisent ce livre afin de se remémorer la pensée de l'auteur et les lecteurs qui n'ont jamais lu Proust et qui souhaitent se familiariser avec son style d'écriture et sa façon de penser avant de se plonger dans la lecture des romans de ce dernier. 

Mon avis:

Je fais partie de cette deuxième catégorie de lecteurs qui n'ont jamais lu du Proust mais qui souhaitent commencer à s'y plonger le plus rapidement possible. 

En effet, ce roman m'a intrigué au premier abord, j'ai vu qu'il s'agissait de mélanges de plusieurs romans de Proust classés en fonction de différents thèmes et ça m'a attiré. Mon impression a été bonne parce qu'à la fin de ce livre je n'ai eu qu'une envie, dévorer les livres de Proust, cet écrivain si célèbre et talentueux qui a marqué toutes les générations avec sa si belle plume et son style incomparable. 

Je conseille ce livre à toutes les personnes qui ont lu ou pas encore lu du Proust, c'est un moyen de réfléchir à différents sujets qui donnent sens à notre existence comme l'art, la beauté, le coeur, l'esprit, le temps, la mort et la morale. Chacun de ces sujets nous touche et nous marque dans notre vie et parfois pour y réfléchir il suffit de lire les mots d'un auteur, un être qui a consacré sa vie à exprimer par des mots ce que les hommes pensent mais ne savent pas communiquer. 

FUN FACTS: 

  • Marcel Proust a écrit le plus long livre au monde. 
  • Marcel Proust a écrit la plus longue phrase au monde. 
  • Aucun éditeur ne voulait publier "À la recherche du temps perdu", sauf un éditeur Grasset qui a accepté de le publier à condition que Proust paie pour l'édition. 

mercredi 2 novembre 2022

Le monde romanesque de Milan Kundera- Kvetoslav Chvatik

 "L'oeuvre romanesque de Kundera forme un tout cohérent, un univers imaginaire autonome, il est construit sur la base sur le cercle de motifs et de thèmes précisément tracé avec leurs variations et leurs combinaisons instrumentalisées à travers différentes stratégies narratives". 

Auteur: Kvetoslav Chvatik 

Genre: Roman 

Edition: Gallimard 

Date de publication: 1995

Nombre de pages: 221

Synopsis: Ce livre est un roman qui met en relief l'écriture de Kundera et sa personnalité en tant qu'auteur. En effet, ce roman fait l'objet d'une interprétation des romans de Kundera en fonction des thèmes représentés, des motifs répétitifs dans chacun de ses romans et de l'identité de cet écrivain. Je trouve que Kvetoslav Chvatik a réussi à cerner de nombreux points concernant l'identité littéraire de Kundera mais je trouve qu'il n'a pas vraiment poussé cette réflexion et cette analyse qui reste assez superficielle. Je suis un peu déçue de ce roman qui je pensais allait me mener à des pistes de réflexion profondes et nouvelles des romans de Kundera. 

Mon avis:

J'ai bien aimé ce roman malgré une légère déception. Je m'attendais à une analyse plus poussée des oeuvres de Kundera et plus personnelle. Ce que je n'ai pas retrouvé dans ce roman et que j'aurai aimé voir c'est une analyse plus personnelle de l'identité littéraire de Kundera à travers ses oeuvres, certes l'écrivain de ce roman a décrypté les thèmes essentiels et les motifs répétitifs dans les romans de Kundera mais pas une seule fois il n'a fait allusion au vécu de Kundera et au lien indéfectible entre Kundera et ses oeuvres. 

Ce que j'ai aimé dans ce roman c'est surtout la description de la plume de Kundera, le lien logique entre toutes ses oeuvres. "L'oeuvre romanesque de Kundera forme un tout cohérent, un univers imaginaire autonome, il est construit sur la base sur le cercle de motifs et de thèmes précisément tracé avec leurs variations et leurs combinaisons instrumentalisées à travers différentes stratégies narratives". Ainsi, ce qu'on peut en déduire c'est que les oeuvres de Kundera ont toutes un point commun, un thème répétitif, des personnages similaires aux vécus similaires. Malgré les histoires et les vécus des personnages et les intrigues différentes, Kundera ne cesse de ramener au coeur de ses romans des thèmes communs, des émotions communes, des réflexions communes comme le thème de la guerre, de l'après guerre, de la nostalgie d'un pays perdu puis retrouvé, la passion destructrice, l'amour innocent et insouciant, l'amour destructeur, l'amour fraternel, maternel, paternel, amical, interdit. 

Ce que Kvetoslav Chvatik a bien fait c'est l'analyse musicale des oeuvres de Kundera. En effet, s'il y a un point que cet auteur a bien décrit c'est les sonorités des textes de Kundera et leur résonance musicale. Il a fait un très bon parallèle entre les thèmes répétitifs des oeuvres de Kundera mettant à chaque fois en scène des personnages différents aux vécus différents et les variations musicales qui créent différentes combinaisons musicales à partir de sonorités communes et similaires. Pour lui, Kundera utilise son passé de compositeur comme un atout dans ses romans mais aussi comme son arme de distinction des autres auteurs, il arrive à recréer de nouvelles histoires et stratégies narratives à travers des motifs communs. 

Il y a un passage que cet écrivain a relevé de l'insoutenable légèreté de l'être et que je trouve très pertinent, pour moi c'est ce passage qui décrit au mieux l'identité littéraire de Kundera et qui fait honneur à sa plume, "J'ai connu et j'ai moi-même vécu toutes ces situations, d'aucune, pourtant, n'est issu le personnage que je suis moi-même dans mon curriculum vitae. Les personnages de mon roman sont mes propres possibilités qui ne se sont pas réalisées. C'est ce qui fait que je les aime tous et que tous m'effraient pareillement. Ils ont les uns et les autres franchi une frontière que je n'ai fais que contourner. C'est cette frontière franchie (la frontière au delà laquelle finit mon moi) qui m'attire. Et c'est de l'autre côté seulement que commence le mystère qu'interroge le roman. Le roman n est pas une confession de l'auteur mais une exploration de ce qu'est la vie humaine dans le piège qu'est devenu le monde"

Pour moi, ce texte est fascinant et décrit parfaitement bien l'identité littéraire de Kundera. En effet, Kundera avoue dans ce passage que ses personnages ne sont que le reflet de ses espoirs, de ses regrets et de ses remords. Il fait vivre à ses personnages ce qu'il aurait aimé vivre, ce qu'il aurait aimé avoir le courage de vivre et ce qu'il a peur de vivre. Ses personnages sont donc le miroir de son être, de son peut-être, de son et si. 

Les oeuvres de Kundera reprennent donc des événements marquants de la vie de Kundera, des rêves non réalisés, des espoirs inatteignables et les fais vivre à des personnages qui sont tous là pour une raison précise, pour réaliser et vivre ce que Kundera lui-même n'a jamais vécu. Ce sont des représentations de ses rêves inassouvis, de ses passions oubliées, de ses émotions cachées et de son imaginaire inexploré. 

C'est pour cela que je trouve dommage le fait que Kvetoslav Chvatik n'ait pas analysé plus intensément ce passage qui pour moi reflète parfaitement bien l'écriture de Kundera et l'essence même de toutes ses oeuvres. C'est le noyau dur, la vérité dévoilée au grand public et rare sont les auteurs qui ont osés affirmer que leurs personnages ne sont que des versions améliorées d'eux-mêmes et un moyen de vivre ce qu'ils n'ont jamais vécu. C'est en quelque sorte un aveu, un aveu d'écrivain mais aussi un aveu en tant qu'homme, un aveu que l'écriture sert certes à raconter des histoires, à distraire le lecteur, à le pousser à réfléchir mais l'écriture a aussi un autre but, c'est de pousser le lecteur à vaincre sa nostalgie en la mettant sur papier, c'est en quelque sorte un baume au coeur, un remède aux frustrations et aux espérances d'un auteur. C'est un moyen d'exprimer ce qui est inexprimable et de raconter ce qui est enfermé dans le coeur. 

Je partage avec vous mes passages préférés de ce roman :

"La vocation de la poésie n'est pas de nous éblouir par une idée surprenante mais de faire qu'un instant de l'être devienne inoubliable et digne d'une insoutenable nostalgie". 

"Le poète n'a besoin de rien prouver, la seule preuve réside dans l'intensité du sentiment". 

"Le roman défend précisément l'espace où personne n'est l'unique "détenteur" de la vérité et où chacun peut au contraire prétendre être compris". 

FUN FACTS:

  • Ce roman est une monographie (étude détaillée des oeuvres de Kundera). 

  • Kvetoslav Chvatik est un philosophe tchèque ce qui met encore plus l'accent sur le fait que pour analyser les oeuvres de Kundera il faut s'y connaitre en philosophie étant donné que l'écriture de Kundera est très philosophique. 

  • Ce livre étant publié en 1995, Kvetoslav Chvatik n'a pu analyser que les romans de Kundera qui remontent à l'année 1995. Ainsi, il n'a pas pu analyser l'évolution de son écriture à travers ses  romans comme "L'ignorance" (2000), "La fête de l'insignifiance" (2013), "Le rideau" (2005),  "Une rencontre" (2009). 





mercredi 12 octobre 2022

Patients- Grand corps malade

"Je les verrai toujours comme des icônes de courage, mais pas un courage de héros, non, un courage subi, forcé, imposé par l'envie de vivre". 

Auteur: Grand Corps Malade

Genre: Biographie

Edition: Poche

Date de publication: 2012

Nombre de pages: 168

Synopsis: Ce livre raconte l'histoire de Grand Corps Malade (Fabien), plus particulièrement son passage de Fabien à Grand Corps Malade. Un passage qui lui a été imposé, un passage qui lui a été nécéssaire à sa survie. Fabien était avant tout Fabien mais depuis son accident, depuis sa tétraplégie, Fabien n'est plus uniquement Fabien, c'est un corps malade mais un Grand Corps Malade. C'est un corps qui se bat tout les jours pour survivre, pour guérir, pour être indépendant et autonome. Grand Corps Malade c'est un homme qui a vécu, qui a arrêté de vivre pendant quelques mois, mais qui s'est battu pour réveiller un corps qui n'était plus là, un corps qui l'avait abandonné. Ce livre est un roman biographique qui décrit avec une nette précision les détails de la vie d'un tétraplégique après un accident grave, qui décrit la vie dans un hôpital d'accueil pour les handicapés et qui décrit la vie en communauté avec des personnes plus ou moins touchées que vous. Ce roman est une hymne à l'espoir et à la vie, c'est un moyen de comprendre qu'un patient c'est avant tout un être patient qui sait que le chemin sera long, que le chemin sera difficile, que le chemin sera parsemé d'embuches et que parfois il n'y aura pas de bout à ce chemin mais il attend quand même, patiemment et impatiemment de ne plus être un patient.

Mon avis:

J'ai beaucoup aimé ce roman. C'est drôle quand on prend les deux mots "un patient" ça sonne "impatient" dans notre tête. Ainsi, être un patient ce n'est pas seulement acquérir l'art de la patience, c'est aussi être continuellement dans l'impatience d'aller mieux, de se rétablir, de ne plus être un patient. 

Je trouve que ce livre biographique de Grand Corps Malade reflète ces deux aspects du patient, un être à la fois patient et impatient. Un être tiraillé entre l'envie de vivre et de ne plus vivre, de tout arrêter, d'arrêter de se battre, de baisser les bras. 

C'est vraiment touchant de lire un livre aussi réaliste. C'est peut-être parce que c'est la réalité, la pure et triste réalité. La réalité des handicapés, des êtres dénués du moteur que la vie nous donne, notre corps. Ils sont privés de leur corps, ils sont privés d'un sens qui leur a été confisqué injustement, le temps d'une fraction de seconde, le temps d'une inspiration, d'une expiration, d'un battement de coeur, d'un clignement des paupières. Grand Corps Malade décrit avec un réalisme inouï son état physique et psychologique suite à son accident ainsi que celui de tous ses camarades souffrant autant ou moins que lui. Mais en réalité s'il y a une leçon que je retiens de ce roman c'est que dans le handicap il ne s'agit pas d'une question de qui est plus ou moins handicapé que l'autre, de qui souffre le plus, de qui a le plus de chance de s'en sortir, c'est une question de fraternité, de camaraderie, c'est la connaissance du chagrin et de la souffrance que peut ressentir l'autre. C'est une question de volonté, qui aura le plus de force et de volonté pour réussir à s'en sortir s'il a l'occasion et la chance de s'en sortir. 

"Quand l'envie de sourire redevient un instinct vital, quand on comprend que l'énergie ne se lit pas seulement dans le mouvement, parfois la vie nous teste et met à l'épreuve notre capacité d'adaptation, les cinq sens des handicapés sont touchés mais c'est un sixième sens qui les délivre. Bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction, ce sixième sens qui apparait, c'est simplement l'envie de vivre". 

Grand Corps Malade pousse le lecteur à s'imprégner de cet état d'esprit d'handicapé, et le pousse à comprendre qu'un handicapé c'est un être humain comme lui, c'était une personne avant d'être handicapé, c'est toujours la même personne en devenant handicapé et elle restera la même personne en n'étant plus handicapé. C'est juste que dans ces trois étapes il y a des petits changements qui ont lieu, des changements physiques, la personne devient handicapée donc privée de ses membres, de son corps mais elle redevient par la suite petit à petit maîtresse d'elle-même et réapprend à diriger son corps et le passage psychologique de la personne impatiente à un patient regrettant chaque jour son impatience, son goût trop vif pour la vie qui lui a coûté ses membres.  

Je conseille ce roman à toutes les personnes qui connaissent Grand Corps Malade, ce grand artiste, chanteur et slameur qui émerveille les foules avec ses textes toujours aussi percutants, profonds, touchants et poétiques. Mais je conseille aussi ce livre à tout le monde, à toutes les personnes qui souhaitent découvrir de plus proche la vie intérieure d'un handicapé, d'un patient ayant perdu le contrôle de son corps étant dépendant de tout un personnel médical. 

Ce livre m'a permis de mieux comprendre cette sensibilité et cette aura qui se dégage de Grand Corps Malade. J'ai toujours énormément apprécié ses oeuvres, ses chansons, ses textes mais j'avoue que ce n'est qu'en lisant son livre que j'ai appris que derrière ce Grand Corps Malade se cachait un grand coeur rayonnant de vie et de lumière qui a permis à ce dernier de surmonter et de vaincre son handicap même partiellement. Ce qui m'a aussi éclairé sur la personnalité de Grand Corps Malade et sur son âme d'artiste c'est un passage dans un de ses textes au début du roman, "Je dors sur mes deux oreilles". 

"J'ai constaté que la douleur était une bonne source d'inspiration, et que les zones d'ombre du passé montrent au stylo la direction. La colère et la galère sont des sentiments productifs, qui donnent des thèmes puissants, quoi qu'un peu trop répétitifs. À croire qu'il est plus facile de livrer nos peines et nos cris et qu'en un battement de cils un texte triste est écrit. On se laisse aller sur le papier et on emploie trop de métaphores, pourtant je t'ai déjà dit que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts". 

FUN FACTS: 

  • Le livre "Patients" a été adapté au cinéma le 1er mars 2017 par Grand Corps Malade et Mehdi Idir. 

mardi 11 octobre 2022

La Goûteuse d'Hitler- Rosella Posterino

"Comme si tout geste de survie nous exposait au risque de notre mort: vivre était dangereux et le monde un vaste piège".  

Auteur: Rosella Posterino

Genre: Roman 

Edition: Albin Michel

Date de publication: 11 Janvier 2018

Nombre de pages: 400

Synopsis: Ce livre raconte l'histoire d'une femme allemande "Rosa" qui du jour au lendemain se retrouve obligée de devenir une "goûteuse", la goûteuse d'Hitler. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les femmes des soldats allemands étaient obligées de contribuer d'une manière ou d'une autre. Beaucoup d'entre elles furent obligées de devenir les goûteuses d'Hitler. Ainsi, elles donnaient leur vie non pas à la nation comme leurs maris mais à Hitler, le commandant. Ces femmes acceptaient donc ce rôle pour survivre mais en devenant les goûteuses d'Hitler elles acceptaient aussi le risque de mourir. Ce livre retrace le rôle de goûteuse qu'a dû jouer Rosa, une allemande perdue, triste, désespérée et ne rêvant que d'une chose, s'enfuir et retrouver une vie normale. Entre romance interdite et haine d'Hitler, Rosa va découvrir que la vie n'est pas évidente et que des erreurs peuvent conduire à la mort, que des amies peuvent nous trahir et que des amants peuvent nous laisser tomber du jour au lendemain et choisir l'honneur à l'amour. 

Mon avis:

J'ai bien aimé ce roman. Je trouve que l'histoire est très originale. Le titre m'a interpellé quand je l'ai lu. Je trouve que la Seconde Guerre mondiale est une période fascinante de l'histoire et que l'on apprend beaucoup de choses la concernant à l'école ou à l'Université mais on en apprend rarement sur des réalités  passées sous silence, sur des histoires tombées dans l'oubli ou noyées par la force. 

La Goûteuse d'Hitler est un roman qui relate la vie de Rosa, une allemande qui devient une goûteuse d'Hitler par la force. Un devoir qu'elle a à accomplir en tant qu'allemande. Mais ce devoir la prive de toute liberté, de tout bonheur, de toute vie. Ce rôle de Goûteuse va l'aspirer, va la ronger, elle va se retrouver prisonnière de son propre corps, un corps qui ne lui appartient plus, un corps qui est au service de la vie d'un autre, celle d'Hitler. 

Le style d'écriture est agréable mais je trouve qu'il manque de rigueur et de profondeur. Ce que j'aime quand je lis un livre c'est aussi réfléchir sur des questions essentielles, analyser les sous entendus des phrases, tirer de belles phrases mais dans ce roman à part quelques phrases, je n'ai pas ressenti le besoin de m'attarder sur certains paragraphes pour en tirer des leçons de vie ou juste pour réfléchir dessus. 

Je trouve cela dommage mais j'ai beaucoup aimé cette lecture, c'est une lecture divertissante, intéressante et intrigante. Le personnage de Rosa est attachant même si je ne comprenais pas toujours ses choix, on ressens ce tiraillement entre le devoir de défendre sa nation et la haine que l'on peut ressentir pour les dirigeants de notre propre nation. 

Je conseille ce roman à toute personne qui aime les romans historiques mais aussi à toute personne qui souhaite découvrir un autre aspect de cette Seconde Guerre mondiale, un aspect qui est passé sous silence. Le métier de goûteuse n'étant que très peu relaté dans les livres d'histoires ou dans les témoignages des survivants de la guerre. 

FUN FACTS: 

  • La Goûteuse d'Hitler a gagné le prix Campiello en Italie. 

  • Ce roman est inspiré de la vie de Margot Wölk.