L'Insoutenable légèreté de l'être

"Son drame n'était pas le drame de la pesanteur mais celui de la légèreté. ce qui s'était abattu sur elle ce n'était pas un fardeau, mais l'insoutenable légèreté de l'être". 

Auteur: Kundera

Genre: Roman philosophique 

Date de parution: 1990

Edition: Gallimard 

Nombre de pages: 476

Synopsis: "L'insoutenable légèreté de l'être se déroule principalement à Prague dans les années 1960 et 1970. Il explore la vie artistique et intellectuelle de la société tchèque au cour de la période communiste, à partir du printemps de Prague jusqu'à l'invasion soviétique de 1968. Les personnages principaux sont Tomas, un chirurgien, sa femme, Tereza, photographe angoissée par les infidélités de son mari, Sabine, maitresse de Tomas, une artiste à l'esprit libre, et Franz, un universitaire suisse amoureux de Sabine."

Mon avis:

Avec ce livre, Kundera a révolutionné la théorie de la légèreté et de la pesanteur. Pour lui, la pesanteur peut être synonyme de la légèreté et la légèreté peut être synonyme de la pesanteur. Tout au long de ce chef d'oeuvre, Kundera rapporte des faits de la vie d'individus normaux et fait de leurs vies des objets de contemplation. En effet, Kundera ne regarde pas la vie, il la contemple, il l'analyse et essaie de la comprendre. 

Ce que j'aime le plus chez Kundera c'est le fait que ce soit un auteur philosophe. Il décortique les comportements humains de manière simple mais belle et parfois de manière crue. Cette manière qu'il a de disséquer les personnages nous fait penser à une pièce de théâtre  Le lecteur assiste à la vie des personnages et aux conséquences des choix qu'ils entreprennent. Kundera joue donc le rôle du metteur en scène qui surgit de temps en temps des coulisses pour commenter les agissements de ses personnages, pour modifier certains aspects d'un personnage. 

Kundera révolutionne aussi la conception que la plupart des gens ont de l'amour dans ce roman. Pour lui, l'amour n'est pas une rencontre programmée entre deux êtres mais plutôt une rencontre accidentelle. Ainsi, personne n'est destiné à personne. Kundera nous invite à voir l'amour autrement et à ne pas y accorder tellement d'importance. Pour lui, il faut laisser faire les choses sans les forcer. 

Ce livre est aussi une satyre de la politique. Kundera trouve que le communisme se rapproche du nazisme  dans la mesure où leur idéologie partage le refus de l'individualité. Selon Kundera, le communisme est synonyme du silence culturel, du vide de la pensée. Pour lui, l'Occident représente la liberté et l'affirmation de l'individu. Ce que j'ai remarqué en lisant ce livre c'est que Kundera n'est pas là juste pour décrire des mouvements politiques, il est là pour les analyser, les décortiquer et pour déduire les vraies idéologies qui se cachent derrière ces mouvements. Cependant, cette déduction n'est jamais exprimée de maniere directe, elle est toujours cachée derrière des événements de la vie des personnages de ce roman ou derrière leur façon de penser ou d'agir. C'est ça qui est beau dans ce livre, le lecteur a l'impression de jouer un rôle, celui de décrypter des codes cachés. Il n'est pas seulement témoin d'une histoire mais de son histoire. Il ne cherche pas seulement à comprendre la vie des personnages mais aussi sa propre vie. 

De plus, revenons au magnifique titre de ce roman, "L'Insoutenable légèreté de l'être". Selon Parmenide, la légèreté est positive et la pesanteur négative. Pour Kundera, la légèreté peut être à la fois positive (liberté) et négative (vie libertine). Kundera nous apprend que la vie est un paradoxe insolvable. Le destin n'est pas une option pour lui mais au contraire ce sont les choix humains qui priment. Ce n'est pas au destin de déterminer les choix de l'homme mais à l'homme de prendre une certaine direction et d'en assumer les conséquences. Chaque personnage du roman va donc évolué en prenant des choix contraires à ses choix de base. 

Ce que j'aime énormément chez Kundera c'est qu'il est réaliste tout en étant très idéaliste. Certes à des moments, il peut décrire la vie de maniere très crue. Il peut décrire des sentiments de honte, de désespoir, d'amour à la perfection sans aucune exagération. Mais malgré ces descriptions très réalistes, il parvient à nous transmettre encore une certaine "utopie", un certain "idéalisme" de l'homme. En décrivant les travers des hommes, il ne cesse pas d'avoir foi en eux et en la capacité qu'ils ont de surmonter toutes les épreuves de la vie. 

"Sur ces vêtements ridicules, la poésie a jeté un manteau tissé des mots les plus sublimes. Elle en a fait une reine". Cette phrase confirme ma première impression que j'ai eu en lisant "L'insoutenable légèreté de l'être , Kundera vit à travers la beauté. Il fait de la beauté l'essence même de son existence et de ses personnages. Grâce à la beauté des mots, il peut redorer l'image d'un personnage tombé au plus profond de l'abîme. Grâce à la beauté de l'écriture il arrive à transmettre dans un seul livre des messages au lecteur, des messages que le lecteur ne prend pas la peine de décrypter dans sa vie de tous les jours.

FUN FACTS: 

• L'histoire se déroule dans le contexte du printemps de Prague de juin 1968, de l'invasion soviétique du pays qui a suivi en août et des conséquence de la répression de la libéralisation. 

• Ce livre a été adapté au cinema par Philip Kaufman en 1988 avec les acteurs Daniel Day-Lewis et  Juliette Binoche. 

• Kundera est souvent identifié comme étant "un peintre sarcastique de la condition humaine". 

• Kundera s'exile en France avec sa femme Vera en 1975. Il est naturalisé français en 1981. Il choisira le français comme langue d'écriture pour marquer sa rupture avec son pays natal qui l'a déchu de sa  nationalité en 1978.