Article écrit en collaboration avec Jacques de Crécy
Dans une
courte nouvelle d’à peine une centaine de pages l’écrivain autrichien Stefan
Zweig nous amène dans les salons d’un chic hôtel de la Riviera où se déroule un
drame : une jeune femme et un jeune homme se connaissant à peine se sont
enfuis subitement ensemble. Toute la clientèle de l’hôtel crie au scandale et
menace d’anathème social les deux jeunes amants, seul le narrateur et une
vieille lady anglaise les défendent. Intrigué, le narrateur tente de comprendre
ce qui peut pousser une femme d’une autre génération à défendre un comportement
aussi scabreux. Il découvre alors que derrière l’apparente respectabilité dont
se drape la vieille dame, cette dernière cache en vérité un passé
tumultueux…
Ce qui est
bouleversant dans ce roman c'est la pureté avec laquelle la veille dame raconte
son histoire. Elle confie un morceau de sa vie à un inconnu uniquement parce
qu'elle a vu en lui ce qu'elle n'avait jamais vu chez un homme auparavant, une
ouverture d'esprit, l'absence de jugement. Contrairement à la société de
l'époque qui condamnait sans pitié ceux qui cédaient à leurs passions, à leurs
instants de folie. Une société qui condamnait les femmes qui ne rentraient pas
dans le moule de l'épouse parfaite, de la mère parfaite, une femme qui avait
des désirs qui dépassaient sa raison.
Il y a une
phrase de ce roman qui résume parfaitement bien l'impression qu'il nous laisse,
"Malgré tout, le temps a un grand pouvoir, et l'âge amortit de façon
étrange tous les sentiments". Ainsi, le temps a un impact sur nos sentiments.
En effet, on peut perdre la raison en un instant, on peut changer notre vie
pour une personne, sans le vouloir mais parce que sur le moment même, on ne
peut pas faire autrement. Mais au final, avec le passage du temps, avec la
maturité, on réalise que parfois un instant de bonheur ne restera à jamais
qu'un seul instant, temporaire, éphémère, beau sur le moment mais lassant sur
le long terme, condamné à se fanner. Parfois, un instant n'est rien comparé à
une vie. Parfois, 24 heures de la vie d'une femme ne valent rien comparé à une
vie, à un cumul de ces instants temporaires, à un cumul d'événements magiques
ou tristes qui font de la vie ce qu'elle est, un chemin parsemé d'embûches
menant à une voie précise qu'on aura choisit avec le recul et avec l'expérience.
Avec cette
œuvre publiée en 1927 Stefan Zweig nous signe ici un de ses premiers succès.
Avec son style précis et intense il réussit dans ce huis-clos à nous maintenir
en haleine tout le long. Il est à noté l’influence de Freud dans cet ouvrage où
la psychologie est clairement au cœur du roman notamment l’influence que le
désir et ses pulsions peuvent avoir sur notre âme et notre corps. Le drame se déroule juste avant la guerre,
lors de cette fameuse belle époque. On peut ressentir une certaine nostalgie de
l’auteur pour cette Europe des années 1900 insouciante, raffinée et puissante.
Pour les lecteurs et lectrices du XXI que nous sommes l’ouvrage a une saveur
particulière, Zweig parle ici avec les préjugés et les conceptions morales de
son temps qui nous apparaissent maintenant complètement désuètes, dépassées
voire ridicules, mais qui ont données à mes yeux un charme surannée et qui
permettent de remonter le temps pour quelques heures.
Un très joli livre.
RépondreSupprimerJ'ai adoré cette nouvelle, la passion dévorante du joueur, la manière avec laquelle le personnage féminin raconte ce souvenir, beaucoup d'émotions pendant cette lecture.
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