vendredi 25 mars 2022

24 heures de la vie d'une femme- Stefan Zweig

 Article écrit en collaboration avec Jacques de Crécy 












Dans une courte nouvelle d’à peine une centaine de pages l’écrivain autrichien Stefan Zweig nous amène dans les salons d’un chic hôtel de la Riviera où se déroule un drame : une jeune femme et un jeune homme se connaissant à peine se sont enfuis subitement ensemble. Toute la clientèle de l’hôtel crie au scandale et menace d’anathème social les deux jeunes amants, seul le narrateur et une vieille lady anglaise les défendent. Intrigué, le narrateur tente de comprendre ce qui peut pousser une femme d’une autre génération à défendre un comportement aussi scabreux. Il découvre alors que derrière l’apparente respectabilité dont se drape la vieille dame, cette dernière cache en vérité un passé tumultueux… 

Ce qui est bouleversant dans ce roman c'est la pureté avec laquelle la veille dame raconte son histoire. Elle confie un morceau de sa vie à un inconnu uniquement parce qu'elle a vu en lui ce qu'elle n'avait jamais vu chez un homme auparavant, une ouverture d'esprit, l'absence de jugement. Contrairement à la société de l'époque qui condamnait sans pitié ceux qui cédaient à leurs passions, à leurs instants de folie. Une société qui condamnait les femmes qui ne rentraient pas dans le moule de l'épouse parfaite, de la mère parfaite, une femme qui avait des désirs qui dépassaient sa raison.

Il y a une phrase de ce roman qui résume parfaitement bien l'impression qu'il nous laisse, "Malgré tout, le temps a un grand pouvoir, et l'âge amortit de façon étrange tous les sentiments". Ainsi, le temps a un impact sur nos sentiments. En effet, on peut perdre la raison en un instant, on peut changer notre vie pour une personne, sans le vouloir mais parce que sur le moment même, on ne peut pas faire autrement. Mais au final, avec le passage du temps, avec la maturité, on réalise que parfois un instant de bonheur ne restera à jamais qu'un seul instant, temporaire, éphémère, beau sur le moment mais lassant sur le long terme, condamné à se fanner. Parfois, un instant n'est rien comparé à une vie. Parfois, 24 heures de la vie d'une femme ne valent rien comparé à une vie, à un cumul de ces instants temporaires, à un cumul d'événements magiques ou tristes qui font de la vie ce qu'elle est, un chemin parsemé d'embûches menant à une voie précise qu'on aura choisit avec le recul et avec l'expérience.

Avec cette œuvre publiée en 1927 Stefan Zweig nous signe ici un de ses premiers succès. Avec son style précis et intense il réussit dans ce huis-clos à nous maintenir en haleine tout le long. Il est à noté l’influence de Freud dans cet ouvrage où la psychologie est clairement au cœur du roman notamment l’influence que le désir et ses pulsions peuvent avoir sur notre âme et notre corps.   Le drame se déroule juste avant la guerre, lors de cette fameuse belle époque. On peut ressentir une certaine nostalgie de l’auteur pour cette Europe des années 1900 insouciante, raffinée et puissante. Pour les lecteurs et lectrices du XXI que nous sommes l’ouvrage a une saveur particulière, Zweig parle ici avec les préjugés et les conceptions morales de son temps qui nous apparaissent maintenant complètement désuètes, dépassées voire ridicules, mais qui ont données à mes yeux un charme surannée et qui permettent de remonter le temps pour quelques heures. 


 

2 commentaires:

  1. J'ai adoré cette nouvelle, la passion dévorante du joueur, la manière avec laquelle le personnage féminin raconte ce souvenir, beaucoup d'émotions pendant cette lecture.

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