"Je les verrai toujours comme des icônes de courage, mais pas un courage de héros, non, un courage subi, forcé, imposé par l'envie de vivre".
Auteur: Grand Corps Malade
Genre: Biographie
Edition: Poche
Date de publication: 2012
Nombre de pages: 168
Synopsis: Ce livre raconte l'histoire de Grand Corps Malade (Fabien), plus particulièrement son passage de Fabien à Grand Corps Malade. Un passage qui lui a été imposé, un passage qui lui a été nécéssaire à sa survie. Fabien était avant tout Fabien mais depuis son accident, depuis sa tétraplégie, Fabien n'est plus uniquement Fabien, c'est un corps malade mais un Grand Corps Malade. C'est un corps qui se bat tout les jours pour survivre, pour guérir, pour être indépendant et autonome. Grand Corps Malade c'est un homme qui a vécu, qui a arrêté de vivre pendant quelques mois, mais qui s'est battu pour réveiller un corps qui n'était plus là, un corps qui l'avait abandonné. Ce livre est un roman biographique qui décrit avec une nette précision les détails de la vie d'un tétraplégique après un accident grave, qui décrit la vie dans un hôpital d'accueil pour les handicapés et qui décrit la vie en communauté avec des personnes plus ou moins touchées que vous. Ce roman est une hymne à l'espoir et à la vie, c'est un moyen de comprendre qu'un patient c'est avant tout un être patient qui sait que le chemin sera long, que le chemin sera difficile, que le chemin sera parsemé d'embuches et que parfois il n'y aura pas de bout à ce chemin mais il attend quand même, patiemment et impatiemment de ne plus être un patient.
Mon avis:
J'ai beaucoup aimé ce roman. C'est drôle quand on prend les deux mots "un patient" ça sonne "impatient" dans notre tête. Ainsi, être un patient ce n'est pas seulement acquérir l'art de la patience, c'est aussi être continuellement dans l'impatience d'aller mieux, de se rétablir, de ne plus être un patient.
Je trouve que ce livre biographique de Grand Corps Malade reflète ces deux aspects du patient, un être à la fois patient et impatient. Un être tiraillé entre l'envie de vivre et de ne plus vivre, de tout arrêter, d'arrêter de se battre, de baisser les bras.
C'est vraiment touchant de lire un livre aussi réaliste. C'est peut-être parce que c'est la réalité, la pure et triste réalité. La réalité des handicapés, des êtres dénués du moteur que la vie nous donne, notre corps. Ils sont privés de leur corps, ils sont privés d'un sens qui leur a été confisqué injustement, le temps d'une fraction de seconde, le temps d'une inspiration, d'une expiration, d'un battement de coeur, d'un clignement des paupières. Grand Corps Malade décrit avec un réalisme inouï son état physique et psychologique suite à son accident ainsi que celui de tous ses camarades souffrant autant ou moins que lui. Mais en réalité s'il y a une leçon que je retiens de ce roman c'est que dans le handicap il ne s'agit pas d'une question de qui est plus ou moins handicapé que l'autre, de qui souffre le plus, de qui a le plus de chance de s'en sortir, c'est une question de fraternité, de camaraderie, c'est la connaissance du chagrin et de la souffrance que peut ressentir l'autre. C'est une question de volonté, qui aura le plus de force et de volonté pour réussir à s'en sortir s'il a l'occasion et la chance de s'en sortir.
"Quand l'envie de sourire redevient un instinct vital, quand on comprend que l'énergie ne se lit pas seulement dans le mouvement, parfois la vie nous teste et met à l'épreuve notre capacité d'adaptation, les cinq sens des handicapés sont touchés mais c'est un sixième sens qui les délivre. Bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction, ce sixième sens qui apparait, c'est simplement l'envie de vivre".
Grand Corps Malade pousse le lecteur à s'imprégner de cet état d'esprit d'handicapé, et le pousse à comprendre qu'un handicapé c'est un être humain comme lui, c'était une personne avant d'être handicapé, c'est toujours la même personne en devenant handicapé et elle restera la même personne en n'étant plus handicapé. C'est juste que dans ces trois étapes il y a des petits changements qui ont lieu, des changements physiques, la personne devient handicapée donc privée de ses membres, de son corps mais elle redevient par la suite petit à petit maîtresse d'elle-même et réapprend à diriger son corps et le passage psychologique de la personne impatiente à un patient regrettant chaque jour son impatience, son goût trop vif pour la vie qui lui a coûté ses membres.
Je conseille ce roman à toutes les personnes qui connaissent Grand Corps Malade, ce grand artiste, chanteur et slameur qui émerveille les foules avec ses textes toujours aussi percutants, profonds, touchants et poétiques. Mais je conseille aussi ce livre à tout le monde, à toutes les personnes qui souhaitent découvrir de plus proche la vie intérieure d'un handicapé, d'un patient ayant perdu le contrôle de son corps étant dépendant de tout un personnel médical.
Ce livre m'a permis de mieux comprendre cette sensibilité et cette aura qui se dégage de Grand Corps Malade. J'ai toujours énormément apprécié ses oeuvres, ses chansons, ses textes mais j'avoue que ce n'est qu'en lisant son livre que j'ai appris que derrière ce Grand Corps Malade se cachait un grand coeur rayonnant de vie et de lumière qui a permis à ce dernier de surmonter et de vaincre son handicap même partiellement. Ce qui m'a aussi éclairé sur la personnalité de Grand Corps Malade et sur son âme d'artiste c'est un passage dans un de ses textes au début du roman, "Je dors sur mes deux oreilles".
"J'ai constaté que la douleur était une bonne source d'inspiration, et que les zones d'ombre du passé montrent au stylo la direction. La colère et la galère sont des sentiments productifs, qui donnent des thèmes puissants, quoi qu'un peu trop répétitifs. À croire qu'il est plus facile de livrer nos peines et nos cris et qu'en un battement de cils un texte triste est écrit. On se laisse aller sur le papier et on emploie trop de métaphores, pourtant je t'ai déjà dit que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts".
FUN FACTS:
- Le livre "Patients" a été adapté au cinéma le 1er mars 2017 par Grand Corps Malade et Mehdi Idir.