"Je ne veux pas dire par là que j'avais cessé de l'aimer, que je l'avais oubliée, que son image avait pâli, au contraire, elle m'habitait jour et nuit, comme une nostalgie silencieuse, je la désirais comme on désire des choses perdues à jamais. tout sera oublié et rien ne sera réparé".
Genre: Roman
Date de publication: 1967
Edition: Folio
Nombre de pages: 478
Synopsis: Ce roman raconte l'histoire de Ludvik, étudiant et communiste, qui à la suite d'une blague mal interprétée qu'il a écrit sur une carte postale et envoyer à une étudiante, il est contraint de rejoindre le service militaire pendant deux ans, il intègre l'armee des noirs, qui sont des ennemis politiques. Ce roman est un roman essentiellement politique, il relate la sévérité du régime communiste, les ardeurs de ses partisans, les sanctions envisagées et surtout les conséquences désastreuses d'une atteinte à ce parti. Mais ce roman est aussi une histoire d'amour, entre Ludvik et Lucie mais aussi entre Ludvik et d'innombrables conquêtes sans lendemain. Kundera dans ce livre met en relief la désillusion des communistes, une désillusion du monde qui les entoure, une désillusion de l'amour, de la vie en elle-même.
Mon avis:
J'ai particulièrement aimé ce roman. Comme d'habitude Kundera arrive à me transporter dans un autre monde, dans son monde à lui, dans sa vie à lui. En effet, dans ce roman, la vision communiste est largement exploitée ainsi que les atteintes à ce régime. Ce que je trouve intéressant dans ce roman c'est que Kundera utilise des histoires d'amour et d'amitié pour illustrer l'impact du communisme sur ses partisans. Un impact psychologique terrifiant, qui pousse les partisans à se diviser en deux catégories, les pro régime qui sont dévoués corps et âmes à ce régime quitte à dénoncer leur propre famille et les anti régime qui ne sont pas d'accord avec toutes les décisions du parti, ce sont ceux qui osent exprimer leur avis, et ceux là sont considérés comme des "ennemis du parti", et donc sanctionnés très sévèrement.
Ce que j'ai aimé dans ce roman c'est la façon dont Kundera l'a mis en oeuvre. Il a écrit ce livre d'une manière très intelligente, en utilisant des histoires d'amour et d'amitié pour illustrer des sujets politiques beaucoup plus profonds et en faire la satire. Ce que j'aime chez Kundera c'est que ses romans sont toujours très philosophiques tout en étant simples à la fois. Chaque phrase nous mène à réfléchir, à nous questionner, chaque phrase doit faire l'objet d'une interprétation.
Pour moi, ce livre est très constructif, il nous enseigne l'endoctrinement que peut provoquer un régime politique vis à vis de ses partisans, il nous enseigne que l'amour n'est pas toujours un coup de foudre mais plutôt une circonstance exceptionnelle, un événement qui se déroule lorsque deux personnes se cherchent, lorsque la tristesse ronge les coeurs. Pour Kundera, l'amour en tant de guerre ou de conflits idéologiques n'est pas un amour sincère, ce n'est pas un amour pur, c'est plutôt un amour construit de toute pièce, une pièce manquante dans l'histoire de ses deux protagonistes. En effet, pour Kundera, l'amour en tant de guerre est un amour illusoire tout comme le régime politique, c'est un voile qui permet de cacher la réalité, de la couvrir sans la faire totalement disparaitre. Ainsi, ce roman est une parfaite combinaison entre amour et politique, deux choses qui sont très semblables au final et qui se rejoignent. L'amour découle de la politique et la politique découle de l'amour. Ils sont complémentaires. De plus, Kundera en choisissant d'alterner continuellement entre le passé, le présent et le futur nous transporte dans le monde de son personnage principal. On découvre en même temps que le personnage son passé, son présent et son futur, on l'assiste dans ses choix de vie et dans sa quête de lui-même.
Je conseille ce roman à toute personne qui aime la politique, à toute personne qui souhaite comprendre les effets dévastateurs d'un régime politique sur ses partisans et à toute personne qui aime les histoires d'amour imprévues, nécessaires à la survie de l'être détruit par la politique et par la guerre.
"Le tout c'est d'être comme on est de ne pas rougir de vouloir ce que l'on veut, de désirer ce que l'on désire. Les hommes sont esclaves des normes. Quelqu'un leur a dit qu'il fallait être comme ceci ou comme cela, alors ils s'y efforcent et n'apprendront jamais qui ils furent ni qui ils sont. Du coup, ils ne sont personne".
"Depuis toujours j'aimais me répéter que Lucie m était une espèce d'abstraction, une légende et un mythe, mais j'entrevoyais à présent, derrière la poésie de ces mots, une vérité sans poseuse, je ne connaissais pas Lucie, je ne savais pas qui elle était réellement, qui elle était en elle-même et pour elle. Je n'avais perçu ( dans mon égocentrisme juvénile) que les portes de son être tournés directement vers moi (vers ma solitude, ma servitude, movers mon désir de tendresse et d'affection), elle avait été pour moi que fonction de la situation que j'avais vécue, tout ce qui en elle dépassait cette situation concrète de ma vie, tout ce qu'elle "était en soi , m'échappait. "
"Moi je ne le savais pas et ainsi je nous avais fait mal à tous deux. Une vague de colère contre moi-même m'inonda, colère contre mon âge d'alors, contre le stupide âge lyrique où l'on est à ses propres yeux une trop grande énigme pour pouvoir s'intéresser aux énigmes qui sont en dehors de soi et où les autres (fussent-ils les plus chers) ne sont que miroirs mobiles dans lesquels on retrouve étonné l'image de son propre sentiment, son propre trouble, sa propre valeur. Oui, pendant ces quinze ans-la, j'ai pensé à Lucie seulement comme au miroir qui garde mon image d'autrefois".
FUN FACTS:
- La plaisanterie est le premier roman de Kundera alors âgé de 36 ans. Publié en Tchécoslovaquie en 1967, il coïncide avec les prémices du "Printemps de Prague", tentative de libéralisation sévèrement réprimée par l'URSS en août 1968. Ce roman a été perçu comme un livre essentiellement politique ce que Kundera a démenti en le qualifiant d'"histoire d'amour", unique sentiment résistant à la désillusion de l'histoire.